Bug informatique
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Bug informatique à l’ARMP : quand une faille technique torpille un marché public de 2,7 milliards FCFA

La technologie, censée être un accélérateur de développement, s'est transformée en un frein majeur pour un projet d'infrastructure vital au Cameroun. La Société camerounaise de dépôts pétroliers (SCDP) a dû annuler un appel d'offres colossal de 2,7 milliards de F CFA pour un réservoir de GPL stratégique. La raison invoquée, un "dysfonctionnement informatique" à l'Agence de régulation des marchés publics (ARMP), met cruellement en lumière la fragilité numérique des procédures publiques essentielles et l'impact réel des défaillances IT sur le développement et la sécurité énergétique du pays.

La technologie, censée être un accélérateur de développement, s'est transformée en un frein majeur pour un projet d'infrastructure vital au Cameroun. La Société camerounaise de dépôts pétroliers (SCDP) a dû annuler un appel d'offres colossal de 2,7 milliards de F CFA pour un réservoir de GPL stratégique. La raison invoquée, un "dysfonctionnement informatique" à l'Agence de régulation des marchés publics (ARMP), met cruellement en lumière la fragilité numérique des procédures publiques essentielles et l'impact réel des défaillances IT sur le développement et la sécurité énergétique du pays.

C’est un revers inattendu et coûteux pour le secteur énergétique camerounais. Le 24 avril dernier, la Directrice Générale de la SCDP, Véronique Manzoua épouse Moampea Mbio, a signé l’annulation de l’appel d’offres national ouvert lancé le 7 avril. L’objet de cet appel d’offres était crucial : la fourniture des matériels et les travaux de construction en EPCCS (Engineering, Procurement, Commissioning, Construction and Startup) d’un réservoir (cigare) de stockage de 250 tonnes de gaz de pétrole liquéfié (GPL) au dépôt SCDP de Ngaoundéré, dans la région de l’Adamaoua.

Ce projet, évalué à 2,7 milliards de FCFA, devait être financé sur le budget d’investissement public de la SCDP pour l’exercice 2025, avec une durée estimée à 12 mois. Son objectif était d’augmenter considérablement les capacités de stockage de gaz domestique dans le Nord du Cameroun, une région où la demande est en forte croissance. Une ambition désormais suspendue.

Quand la technologie de l’État fait dérailler les projets

Ce n’est pas tant l’annulation en soi qui interpelle, mais bien le motif officiel avancé par la SCDP : des « dysfonctionnements informatiques survenus à l’Agence de régulation des marchés publics (ARMP)« . Conformément à la réglementation, c’est en effet l’ARMP qui est l’autorité chargée de publier les avis d’appels d’offres. Or, selon la DG de la SCDP, ces problèmes techniques ont « causé un retard dans la publication dudit avis d’appel d’offres« , rendant la procédure caduque.

En d’autres termes, une simple « faille technique » dans le système d’information de l’administration a suffi à bloquer une procédure de passation de marché stratégique, représentant des milliards de francs CFA et un enjeu majeur pour la sécurité d’approvisionnement en GPL. L’incident, bien que technique en apparence, met cruellement à nu une faiblesse structurelle de l’État numérique camerounais : la dépendance critique à des infrastructures digitales qui se révèlent fragiles, potentiellement sous-dimensionnées et peu résilientes face aux imprévus.

Des conséquences économiques et opérationnelles bien réelles

Au-delà du simple contretemps administratif, cette annulation a des conséquences tangibles et coûteuses. En bloquant la publication de l’appel d’offres, l’ARMP prive la SCDP de la possibilité d’attribuer le marché dans les délais initialement prévus, perturbant ainsi toute sa planification budgétaire et opérationnelle.

L’investissement était planifié avec un financement de 1,5 milliard FCFA en 2025 et 1,1 milliard en 2026. L’annulation impose un retour à la case départ, impliquant potentiellement une révision des enveloppes, une renégociation des délais et des conditions avec les futurs soumissionnaires. Les retards s’annoncent inévitables, avec un impact direct sur l’augmentation des capacités de stockage de GPL, pourtant jugées cruciales par la SCDP pour répondre à la croissance de la demande dans la région.

Silence et opacité : un schéma persistant

Cette situation soulève également des questions préoccupantes quant à la transparence et la responsabilité. Sollicitées par nos confrères d’Investir au Cameroun pour apporter des éclaircissements sur la nature exacte de ce « bug » et les circonstances de la défaillance, les deux entités impliquées ont opté pour le silence ou un « jeu de ping-pong institutionnel« . L’ARMP renvoie à la commission interne de la SCDP, tandis que l’entreprise publique reste discrète. Ce manque de transparence autour d’un incident technique ayant des conséquences financières et stratégiques majeures est regrettable et illustre une opacité persistante dans les processus publics au Cameroun.

Ambitions de stockage maintenues… malgré les accros ?

Cet accroc intervient alors que la SCDP est engagée sur plusieurs fronts pour moderniser et augmenter ses capacités de stockage à travers le pays. Outre le projet de Ngaoundéré, l’entreprise prévoit la construction d’une deuxième sphère de 1 000 TM de GPL au dépôt de Bonabéri (Douala) et l’augmentation des capacités de stockage de gasoil et de super à Bélabo (Est). Des initiatives essentielles pour accompagner la croissance de la demande en produits pétroliers. Cependant, l’épisode du bug à l’ARMP jette une ombre sur la fluidité et la résilience de la réalisation de ces objectifs stratégiques si les défaillances techniques et organisationnelles persistent.

Conclusion : L’urgence de la cyber-résilience et de la responsabilité dans l’administration publique

L’annulation du marché de 2,7 milliards de FCFA à cause d’un bug informatique à l’ARMP n’est pas un simple incident isolé, c’est un symptôme. Il témoigne avec force de la nécessité urgente pour l’État camerounais d’investir massivement, non seulement dans la mise en place de plateformes numériques pour la digitalisation des procédures, mais surtout dans leur robustesse, leur maintenance constante, leur sécurité (cyber-résilience) et l’établissement de protocoles clairs de responsabilité en cas de dysfonctionnement majeur.

La technologie ne doit pas être un talon d’Achille pour l’action publique, mais une colonne vertébrale fiable. Cet épisode est un appel clair à une modernisation profonde et responsable des systèmes informationnels de l’État pour éviter que de simples « bugs » ne continuent de torpiller des projets essentiels au développement économique et à la sécurité énergétique du Cameroun.

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