Yaoundé, 13 octobre 2025 — Le Cameroun a voté hier, mais la bataille s’est aussi jouée… en ligne. Pour la première fois, les réseaux sociaux ont pesé aussi lourd que les urnes physiques, transformant le scrutin présidentiel en véritable laboratoire de la démocratie numérique.
Une campagne rythmée par les algorithmes
Selon le rapport Digital 2025: Cameroon (février 2025) de We Are Social et DataReportal, le pays compte 12,4 millions d’internautes — soit près de 42 % de la population — et plus de 5,45 millions d’utilisateurs actifs sur les réseaux sociaux. C’est une hausse d’environ 400 000 personnes en un an, un bond qui a redessiné la cartographie politique en ligne.
« Avant, on allait coller des affiches. Aujourd’hui, on planifie des lives !»
Merveille E., community manager bénévole à Douala.
Les équipes de campagne ont ainsi investi Facebook, X (ex-Twitter), TikTok et WhatsApp. Les “influenceurs politiques” ont remplacé les traditionnels relais locaux, tandis que des micro-vidéos virales montraient les candidats — dont Paul Biya et Issa Tchiroma — dans leurs tournées, souvent filmées au smartphone.
Cette hybridation entre politique et storytelling numérique a profondément modifié le rapport de proximité entre élus et citoyens.
Le jour du scrutin : les réseaux comme observateurs citoyens
Dimanche 12 octobre, dès l’ouverture des bureaux, le pays s’est mis en mode direct.
Des milliers d’électeurs ont filmé leur arrivée, des files d’attente interminables, et parfois même leur vote (au mépris du secret du scrutin). Les vidéos, publiées sur Facebook et TikTok, cumulent déjà plusieurs centaines de milliers de vues.
C’est la première fois que je ressens que mon téléphone compte autant que mon bulletin »
Junior Tchana, électeur de Yaoundé III.
Sur le terrain, la société civile s’est mobilisée.
L’ONG Observer 4.0, en partenariat avec 237Check, a mis en place une cellule de veille numérique pour vérifier les signalements citoyens en temps réel. Si l’initiative a permis d’identifier des anomalies logistiques, elle a aussi mis en lumière le risque de manipulation par images tronquées ou sorties de contexte.
Nuit électorale : des tendances en direct, mais des résultats officiels attendus
À la fermeture des urnes, les plateformes sociales se sont muées en bureaux de dépouillement virtuels. Des observateurs ont posté des photos de procès-verbaux, parfois authentiques, souvent non vérifiés.
Les tendances “à chaud” font état d’une avance apparente de Paul Biya dans ses bastions du Centre et du Sud, tandis que Issa Tchiroma se démarquerait dans le Nord, l’Ouest, le Littoral, le Nord et Sud-Ouest, etc.
Mais, comme le rappelle RFI Afrique et Reuters, ces estimations citoyennes « ne remplacent en rien les résultats consolidés par ELECAM ».
🕓 Faits marquants de la soirée électorale
- 19h45 : premières vidéos virales du dépouillement dans la région du Nord.
- 21h30 : hashtags #VoteCameroun2025 et #RésultatsEnDirect cumulant plus de 3 millions d’impressions.
- 23h00 : premières alertes à la désinformation sur WhatsApp signalées par 237Check.
Entre démocratie numérique et fracture technologique
Cette “présidentialisation 2.0” révèle deux Cameroun : celui des connectés, actifs et militants, et celui des zones rurales encore hors ligne.
La fracture numérique reste un enjeu démocratique. Comme le souligne Econuma dans son analyse “Présidentielle 2025 : stratégies digitales et réalités de terrain”, plus de 60 % du débat électoral en ligne provient de cinq grandes villes : Yaoundé, Douala, Garoua, Bafoussam et Maroua.
L’enjeu, désormais, sera de transformer cette effervescence numérique en véritable capital civique.
⚠️ Gare à la désinformation !
Si la participation numérique a été sans précédent, la confusion aussi. Depuis dimanche soir, plusieurs pages Facebook et groupes WhatsApp relayent des résultats partiels ou falsifiés. Certains montages laissent entendre que tel candidat “aurait déjà gagné”, alors qu’ELECAM n’a encore rien publié.
Rappel : seuls ELECAM et le MINAT sont habilités à proclamer les résultats officiels.
Les experts appellent à la prudence :
- vérifier la source avant de partager ;
- ne pas relayer des captures sans lien vérifiable ;
- privilégier les médias accrédités (Cameroon Tribune, CRTV, RFI, 237Check, Kamer-Android).
Une démocratie numérique ne se mesure pas à la vitesse de publication, mais à la qualité de l’information qui circule.
Vers une citoyenneté connectée ?
La présidentielle 2025 restera celle où les réseaux sociaux sont devenus un acteur politique à part entière.
Ils ont démocratisé la parole, mais aussi amplifié la polarisation. Pour 2028, les experts recommandent la mise en place :
- d’un observatoire national du numérique électoral,
- de programmes d’éducation civique digitale dans les lycées,
- et d’une coopération renforcée entre médias, ONG et plateformes.
Car le futur des élections camerounaises ne se jouera plus seulement dans les urnes, mais aussi sur les écrans.
📊 Encadré chiffres-clés
| Indicateur | Valeur estimée (février 2025) | Source |
|---|---|---|
| Internautes au Cameroun | 12,4 millions (≈ 41,9 %) | DataReportal 2025 |
| Utilisateurs actifs des réseaux sociaux | 5,45 millions (≈ 18,5 %) | We Are Social 2025 |
| Croissance annuelle | + 400 000 personnes (2024–2025) | DataReportal Global Digital Insights |
🔍 Références journalistiques et études
- BBC Afrique – Présidentielle 2025 : ce qu’il faut savoir
- Africa 24 – Les candidats face aux électeurs connectés
- Econuma – Analyse des stratégies digitales
- Reuters – Cameroun vote 2025
- 237Check – Monitoring de la désinformation électorale
Pour aller plus loin :
- Présidentielle 2025 : Les enjeux numériques des élections camerounaises
- Présidentielle 2025 : le site de dons du FSNC victime d’une cyberattaque ciblée
- Présidentielle 2025 : Vérifiez Votre Inscription en Quelques Clics grâce à la Nouvelle Plateforme d’ELECAM
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- Présidentielle 2025 : Paul Biya face au crash-test numérique de la jeunesse camerounaise
- Présidentielle 2025 au Cameroun : la plateforme d’ELECAM pour vérifier son inscription sur les listes électorales est de nouveau disponible
- Brenda Biya appelle à ne pas voter Paul Biya : la présidentielle camerounaise secouée par les réseaux sociaux


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